Dernière modification de l’article le 2 juin 2016 par Admin

2014_02_11_violenceLes enfants procèdent par identification aux adultes et principalement aux figures parentales. Les adultes peuvent « privilégier » le non-dit. Comment alors, en serait-il autrement des enfants ? Surtout quand ils expérimentent que dire est sans effet voire se retourne contre eux.

Plus l’enfant est jeune et plus les réponses des adultes doivent être adaptées et non automatiques

Les enfants, parce qu’ils sont jeunes et en situation d’apprentissage social, ne savent pas toujours faire la part des choses. Souvent, des enseignants ou des personnels des écoles, peuvent dire aux enfants « débrouille-toi tout seul », « ce n’est pas bien de rapporter », « ce n’est pas bien de dénoncer »… D’une part, on peut comprendre ces adultes qui ont affaire mille fois dans la journée aux plaintes diverses d’enfants. D’autre part, le risque est que l’enfant s’y mélange les pinceaux. L’enfant doit apprendre à distinguer « se faire embêter » parce qu’un autre enfant veut lui prendre un jouet qu’il monopolise depuis ½ heure et « se faire embêter » parce qu’on le pousse par terre dès lors qu’il essaye de prendre un jouet monopolisé par un autre depuis ½ heure. Donc, plus l’enfant est jeune et plus les réponses des adultes doivent être adaptées et non automatiques.

Plus l’adulte est clair et plus l’enfant saura quand est-ce que sa plainte est légitime et quand est-ce qu’elle ne l’est pas. Quant au « c’est pas bien de dénoncer », les adultes encore doivent être clairs. Il s’agit de ne pas tout mélanger. Les enfants ont à ré-apprendre qu’il faut dénoncer, que c’est bien de dénoncer, quand il y a harcèlement, chantage, violence donc. C’est bien, à la fois pour éviter qu’il y ait des victimes et pour éviter qu’il y ait des agresseurs. Quand un potentiel agresseur sait qu’il peut être dénoncé alors il opère des retenues. Plus il se retient et plus se retenir deviendra une seconde nature. Or, le silence ambiant contribue encore trop souvent à ce qu’il ne se retienne pas, à ce que les enfants n’aient plus confiance aux adultes.

Exemple

Un psychologue demande à un enfant de 7 ans de lui parler de la violence à l’école. Sur le mode du dialogue, il ne sait trop quoi en dire, les mots ne sont pas là. Pour que les mots soient là, il aurait fallu qu’il les ait entendus… Un peu plus tard, il décide de raconter une histoire au psychologue. Et cette histoire est assez symptomatique de ce manque de confiance envers l’adulte.

C’est l’histoire d’une fillette qui se promène dans la forêt et qui se fait attaquer par un renard. Le renard est derrière elle, elle ne l’a pas vu, il va lui sauter dessus. Sans faire exprès, la fillette fait aller son panier et l’assomme. Remarquons que l’enfant nous dit « sans faire exprès » comme si c’était coupable de se défendre. Ce qu’il nous dit là nous renseigne aussi sur ses capacités à savoir se défendre. Puis le renard veut lui mordre le mollet. La fillette court, le renard ne l’attrape pas et elle se réfugie dans une maison. Mais la maison est habitée par une sorcière alors elle doit encore s’enfuir. Remarquons que le renard n’a pas attrapé l’enfant. C’est l’adulte dans ce récit qui n’apporte pas la sécurité. Davantage que le renard qui, lui, n’a pas réussi à l’attaquer. Alors la fillette court et va se réfugier dans un trou. Et l’histoire est finie !!! C’est comme si pour cet enfant il n’y avait pas d’autre issue.

Il n’y a pas de figure secourable. La seule solution est de se terrer, de se taire, de se faire tout petit. Alors, le psychologue invite l’enfant à tenter d’inventer une autre fin. Et c’est difficile. Mais il y parvient. La fillette sort du trou, et court jusqu’à sa maison où elle retrouve ses parents. Le psychologue est assez stupéfait.

Cette histoire fait un peu penser au Petit Chaperon Rouge, conte dans lequel existe une figure secourable, chasseur ou bûcheron (après cependant que l’enfant ait été mangée). Dans l’histoire de l’enfant, pas d’adulte secourable. Sauf si, insistant, le psychologue parvient à faire dire à l’enfant qu’un adulte passe par là.

Les bons codes s’apprennent d’abord à la maison

La famille est en effet peut-être le premier lieu où se fait « l’apprentissage » de la violence. Quand, dans une famille, on parle mal à un enfant, quand on ne pratique pas la politesse avec lui, quand on ne respecte pas son espace individuel, comment pourrait-il comprendre que ce n’est pas bien qu’on lui –ou qu’il- parle mal à l’extérieur, que ce n’est pas bien de ne pas être poli, que ce n’est pas bien d’entrer dans l’espace de l’autre sans y avoir été invité, que ce n’est pas bien qu’un autre s’impose ?

Si l’enfant est tapé à la maison, comment pourrait-il comprendre que ce n’est pas bien de taper ou d’être tapé ? Dans une famille, on devrait se comporter avec les membres comme on se comporte à l’extérieur. Être poli, frapper avant d’entrer, parler normalement même quand c’est pour gronder…

En effet, ce n’est pas parce qu’on fait partie d’une même famille qu’on a gardé les cochons ensemble, pour reprendre la célèbre expression. Parfois, les parents sont plus fatigués, plus énervés et parlent mal à leurs enfants. Rien n’empêche cependant de se rattraper après et de signifier à l’enfant qu’on a mal fait, que ce n’était pas bien, qu’on n’aurait pas dû. Rien n’empêche non plus de pouvoir comprendre que les enfants aussi sont parfois plus fatigués, plus énervés… Des parents peuvent donc se retrouver en situation de dissonance quand un enseignant leur signale la violence de leur enfant.

Le parent peut se placer en position défensive en disant par exemple qu’il n’y peut rien, que son enfant a toujours été ainsi. Et c’est ce qu’il peut arriver de pire à un enfant. Il lui est signifié là que c’est dans sa nature, qu’il ne peut donc changer et qu’il est condamné à être du mauvais côté. Ce qui provoque chez l’enfant un fort malaise intérieur qui ne l’aidera pas à chercher les ressources pour se canaliser.

Le parent peut encore se placer en position défensive en trouvant toujours raison à son enfant, en se posant en situation conflictuelle avec l’enseignant. Si le parent transmet à son enfant que l’enseignant est un « mauvais enseignant », s’il y a conflit alors l’enfant se placera du côté de son parent et non du côté de l’enseignant, soit celui qui symbolise l’apprentissage, la socialisation, l’autonomie, l’indépendance. C’est donc très mauvais pour l’enfant qui se rigidifie en position infantile et qui ne se voit jamais stoppé dans ses débordements instinctuels. C’est un enfant qui ne peut jamais être bien dans sa peau

Le rôle de parent est un rôle de régulateur

Or, le rôle de parent est un rôle de régulateur. Avant d’amour, il s’agit de régulation ou parce qu’il y a amour il y a régulation. Faire croire à un enfant qu’il serait violent de naissance, ce n’est pas l’aimer. Laisser un enfant dans sa toute-puissance et réduire à rien la parole d’un enseignant, ce n’est pas l’aimer. Aimer, c’est permettre à l’enfant de devenir un adulte socialisé qui saura se procurer un confort tant affectif que matériel. Et ça commence par poser des limites.

Les codes sociaux familiaux doivent ressembler aux codes sociaux du monde extérieur. Poser les limites permet à l’enfant de savoir distinguer son espace de celui de l’autre, de savoir faire respecter son espace, de savoir respecter l’espace de l’autre parce qu’il aura besoin de la coopération de l’autre pour sa réalisation personnelle. Les limites sont ce qui permet à l’enfant de devenir un être épanoui et bien avec les autres. L’enfant est en situation d’apprentissage quand il s’agit des limites. L’apprentissage des limites passe aussi par la sanction quand les limites sont transgressées.

La sanction signifie à l’enfant qu’il a transgressé et que la transgression n’est pas une bonne chose pour son développement, pour son épanouissement et la réalisation de soi dans le monde. Les parents ne doivent donc pas avoir peur de punir. Notre société a trop longtemps confondu autorité et autoritarisme. L’autorité permet une transmission de codes et de valeurs qui seront utiles à l’enfant qui est un adulte en devenir. L’autoritarisme, c’est l’arbitraire, c’est punir aujourd’hui parce qu’on est énervé et ne rien dire demain parce qu’on sera de bonne humeur.

L’autoritarisme renvoie à du non-sens. La sanction doit toujours être tenue par les parents. Dans le cas contraire, l’enfant n’a plus confiance en la parole de ses parents et s’il n’a pas confiance en ses parents il ne peut se développer harmonieusement. Il s’agit donc de réguler, de garder le cap. Pour beaucoup de parents d’aujourd’hui, en situation d’insécurité intérieure face à une situation sociale incertaine –chômage, précarisation de l’emploi- c’est de plus en plus difficile d’afficher une constance parentale. C’est dans l’intérêt de l’enfant qu’ils tiennent. Mais jusqu’à quand pourront-ils tenir ? Cette question est donc bien évidemment de la responsabilité des pouvoirs publics. La solution, c’est d’abord l’emploi pour tous.

Dossier et texte : Violaine VERDOUX

 

 

Violaine Verdoux est psychologue à la Maison de la santé. Elle exerce également en cabinet à Lembeye (64 – Pyrénées-Atlantiques)

 

Un commentaire

  1. Encore une mauvaise image pour le renard, il faut absolument repenser les messages qui mettent en scène des animaux prédateurs à l’image d’hommes ignominieux. L’amalgame se fait alors au détriment de la faune, le prédateur n’est pas un loup, un ours ou un renard, que l’on cesse ces images faussées, qui portent à conséquence!!! le prédateur c’est l’humain , à lui d’être mis face à ses responsabilités. Merci

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*


Politique de confidentialité - Qui sommes-nous ? - Apprendre à apprendre.com - Copyright 2022-