Dernière modification de l’article le 24 septembre 2024 par Admin
Avez-vous déjà voulu aider un élève, et au lieu de recevoir de la gratitude, tout s’est retourné contre vous ? Vous avez consacré du temps, donné de l’énergie, mais l’élève reste insatisfait et, pire, ses parents vous reprochent de ne pas en faire assez. Frustrant, n’est-ce pas ? Eh bien, vous êtes probablement tombé dans le triangle de Karpman, ce jeu psychologique aussi sournois qu’épuisant.
Quand vous êtes enseignant, formateur ou coach scolaire, vous êtes particulièrement exposé à ce piège. Vous voulez bien faire, aider l’élève à s’en sortir… mais au final, tout cela peut se retourner contre vous, jusqu’à dégrader vos relations non seulement avec l’élève, mais aussi avec ses parents. Ce triangle, non content de saboter vos efforts, vampirise votre temps et votre énergie, et ruine la confiance que vous aviez tenté de bâtir avec la famille.
Mais comment ce mécanisme fonctionne-t-il réellement ? Et surtout, comment aider vos élèves sans tomber dans ce piège qui menace vos relations ? La réponse pourrait bien changer votre façon d’aborder l’accompagnement, pour de bon.
Qu’est-ce que le triangle de Karpman ?
Imaginez-vous dans la peau du sauveur, prêt à tout pour aider un élève en difficulté. Vous vous dévouez, vous vous investissez, parfois même au-delà du raisonnable. Et puis, l’inattendu se produit : cet élève, que vous pensiez sauver, commence à critiquer vos efforts. Il devient frustré, insatisfait, et vous voilà pointé du doigt, responsable de son échec. Votre rôle de sauveur s’efface, et vous vous retrouvez… victime.
C’est là que le jeu psychologique du triangle de Karpman s’enclenche. Un jour sauveur, le lendemain persécuteur, et à la fin, victime. Vous tournez en rond, sans jamais vraiment comprendre pourquoi la relation avec cet élève ou ce collègue se dégrade si vite.
Et ce qui est encore plus déroutant, c’est que tout cela se fait sans que personne ne le veuille vraiment. L’élève ne se réveille pas un matin en se disant : « Tiens, et si je devenais une victime aujourd’hui ? » Tout comme vous ne cherchez pas consciemment à prendre le rôle du sauveur.
C’est ce que Karpman a mis en lumière en 1968 [1]. Ce triangle relationnel, souvent ancré dans de bonnes intentions, finit par détruire la dynamique de l’aide. L’élève, initialement reconnaissant, devient insatisfait, vous critique, et sans le vouloir, vous l’attaquez à votre tour. Tout le monde en sort perdant.
Vous voyez, le triangle de Karpman, c’est un peu comme une machine à laver émotionnelle. Vous vous y lancez plein de bonne volonté, mais très vite, ça tourne, ça essore, et au final, tout le monde ressort froissé. L’élève, l’enseignant, et la relation entre les deux.Triangle de Karpman : comment ça fonctionne ?
Le triangle de Karpman est un modèle psychologique qui décrit une dynamique relationnelle toxique, où trois rôles principaux se jouent et se transforment sans cesse : le sauveur, la victime et le persécuteur. Ce schéma a été mis en évidence par Stephen Karpman en 1968 et est utilisé pour comprendre comment certaines interactions entre personnes peuvent devenir dysfonctionnelles et entraîner des conflits.
Définition des rôles :
- Le sauveur : C’est la personne qui cherche à aider, souvent de manière excessive, à résoudre les problèmes des autres, parfois sans même qu’on lui ait demandé de le faire. Elle agit souvent par besoin de se sentir utile, mais en réalité, elle maintient l’autre dans une position de dépendance.
- La victime : Elle se perçoit comme impuissante face à sa situation. Elle a tendance à se déresponsabiliser et à rejeter la faute sur les autres, sollicitant de l’aide sans réellement chercher à changer les choses.
- Le persécuteur : Il critique, accuse et met la pression sur les autres. Il peut se montrer contrôlant, autoritaire ou réprobateur, et fait souvent sentir à la victime qu’elle est incapable de se débrouiller seule.
Ce schéma est un cycle. Les personnes engagées dans cette dynamique changent souvent de rôle en fonction de leurs émotions et des circonstances. Chacun des participants peut passer du rôle de sauveur à celui de victime, ou encore de persécuteur à sauveur, sans qu’aucune des positions ne soit productive ou saine.
Exemple n°1 – Le couple en crise
Imaginez une relation de couple où l’un des partenaires, disons Marie, se plaint constamment de son travail : « Je déteste mon boulot, je ne peux plus supporter mon patron. »
Son conjoint, Paul, prend immédiatement le rôle de sauveur. Il lui donne des conseils : « Pourquoi ne pas chercher un autre emploi ? Je peux t’aider à rédiger ton CV. »
Marie, jouant le rôle de victime, répond : « Ça ne sert à rien, il n’y a pas de bons emplois, et personne ne voudra de moi. » Paul continue d’insister, en cherchant des solutions, mais Marie reste dans sa posture défaitiste.
Avec le temps, Paul devient frustré de ses efforts non reconnus. Il se sent victime, épuisé d’aider sans retour, et commence à critiquer Marie pour son manque d’efforts.
Il prend alors le rôle de persécuteur : « Tu ne fais aucun effort pour t’en sortir, c’est toujours la même chose avec toi ! »
Marie, elle, devient à son tour persécuteur en reprochant à Paul de ne pas la comprendre : « Tu ne me soutiens jamais comme je le voudrais ! » Ensuite, pour calmer le jeu, Paul pourrait reprendre le rôle de sauveur, en s’excusant ou en essayant à nouveau de l’aider. Ainsi, le cycle se poursuit, et le conflit ne se résout jamais.
Exemple n°2 – La relation parent-enfant
Un adolescent, Mathieu, a de mauvaises notes à l’école et dit à ses parents : « Je suis nul, je n’y arriverai jamais. »
Sa mère, inquiète, endosse le rôle de sauveur et décide de tout faire pour l’aider. Elle lui propose de lui trouver des cours particuliers, lui donne des conseils, et essaie même de l’aider à faire ses devoirs.
Mais Mathieu, dans son rôle de victime, rejette toutes les solutions : « Ça ne marchera pas, les profs particuliers ne pourront pas m’aider non plus. »
Après plusieurs semaines, la mère commence à se sentir frustrée. Elle a tout essayé, mais Mathieu continue à se plaindre. Elle devient alors persécuteur et critique son fils : « Si tu faisais plus d’efforts, tu n’en serais pas là. C’est de ta faute si tu as de mauvaises notes. »
Mathieu, se sentant attaqué, passe à son tour en persécuteur en reprochant à sa mère : « Tu ne fais que me critiquer, tu ne comprends rien à mes problèmes. »
Puis, voyant que le ton monte, il pourrait essayer de calmer la situation en redevenant sauveur : « D’accord, je vais essayer de faire des efforts. »
Ce jeu, qui semble inoffensif, est en réalité très destructeur. Personne ne prend réellement la responsabilité de ses actions, et chacun finit par se sentir victime de la situation.
Exemple n°3 – Le bureau toxique
Dans un environnement de travail, imaginez un collègue, Claire, qui se plaint constamment de la charge de travail.
Elle dit à son chef : « Je ne peux pas gérer tout ça toute seule, c’est impossible. » Le chef, voulant montrer son soutien, adopte le rôle de sauveur : « Ne t’inquiète pas, je vais t’aider à mieux organiser ton planning. Je vais aussi te donner quelques astuces pour être plus efficace. »
Mais malgré ces efforts, Claire continue de se plaindre : « Ça ne sert à rien, je suis trop surchargée, tes astuces ne m’aident pas. » À ce stade, elle passe dans le rôle de persécuteur, reprochant à son chef de ne pas avoir résolu ses problèmes.
Le chef, frustré par ses tentatives infructueuses, se sent alors victime de cette ingratitude et finit par persécuter à son tour : « Si tu ne t’organises pas mieux, c’est normal que tu n’y arrives pas. Tu ne fais aucun effort pour t’améliorer ! »
Claire, sentant la tension monter, pourrait alors redevenir sauveur en essayant de calmer son supérieur : « D’accord, je vais essayer de mieux m’organiser. » Mais en réalité, rien n’a changé, et le cycle va probablement recommencer.
Pourquoi les enseignants devraient tenir compte de ce jeu psychologique ?
Le triangle de Karpman, ce n’est pas seulement entre adultes.
Il se joue aussi dès le plus jeune âge, et c’est là que ça devient délicat pour les enseignants.
Quand vous entrez dans le rôle de sauveur face à un élève en difficulté, avec les meilleures intentions du monde, l’élève peut vite vous placer en persécuteur si vos efforts ne sont pas à la hauteur de ses attentes.
Le pire, c’est quand les parents entrent dans la boucle. Ils prennent le parti de leur enfant, et ce qui était au départ une tentative d’aide se transforme en conflit, où vous êtes critiqué et remis en cause.
Vous voulez bien faire, et voilà que cela se retourne contre vous, empoisonnant non seulement votre relation avec l’élève, mais aussi avec ses parents.
Étude de cas n°1 – Quand l’élève devient victime et les parents persécuteurs
Imaginez cette scène : un élève en difficulté, appelons-le Tom, se plaint. « Je n’arrive pas à comprendre ce chapitre, c’est trop dur pour moi. »
Naturellement, en tant qu’enseignant bienveillant, vous entrez dans le rôle de sauveur. Vous passez du temps après les cours à lui réexpliquer la leçon, à lui donner des exercices supplémentaires pour l’aider à progresser.
Vous vous dites : « Je vais l’aider à réussir. »
Mais après quelques semaines, malgré tous vos efforts, les résultats de Tom ne s’améliorent pas comme prévu.
C’est là que le triangle de Karpman commence à se refermer sur vous.
Tom se plaint à ses parents : « Mon prof ne m’aide pas vraiment, je suis toujours aussi perdu. »
Les parents, inquiets pour leur enfant, prennent son parti. Ils passent de simples observateurs à persécuteurs. Vous recevez un appel ou un email de reproche : « Vous deviez aider Tom, mais il ne progresse pas. Que faites-vous en classe ? »
Et vous voilà passé, en un clin d’œil, du rôle de sauveur à celui de victime. Vous avez donné de votre temps, de votre énergie, mais au lieu de reconnaissance, vous recevez des critiques.
Étude de cas n°2 – L’élève surprotégé et le piège du sauveur
Prenons un autre exemple : Léa, une élève brillante mais très stressée par ses résultats scolaires.
Elle a toujours eu d’excellentes notes, mais elle commence à rencontrer des difficultés en mathématiques. Vous décidez de l’aider en lui accordant des heures supplémentaires d’explications.
En devenant son sauveur, vous espérez lui redonner confiance. Mais Léa, de plus en plus stressée, commence à se plaindre à ses parents : « J’ai peur d’échouer, je n’y arrive plus. »
Ses parents, anxieux pour elle, deviennent des persécuteurs.
Ils vous reprochent de ne pas en faire assez, de ne pas lui apporter le soutien dont elle a besoin.
Vous recevez un message : « Pourquoi ma fille, qui a toujours eu d’excellentes notes, est-elle soudainement en difficulté ? N’est-ce pas votre rôle de la guider ? »
Une fois encore, votre posture de sauveur s’effondre, et vous vous retrouvez à la fois victime des attentes irréalistes des parents et accusé de ne pas remplir vos fonctions.
Étude de cas n°3 – Le problème avec les parents : quand le jeu prend une autre dimension
Le triangle de Karpman devient encore plus complexe quand les parents s’en mêlent.
À la base, vous pensez gérer une simple relation enseignant-élève.
Mais quand un élève se plaint à la maison, que ce soit par frustration ou par désespoir, les parents deviennent rapidement des persécuteurs. Ils prennent le parti de leur enfant, souvent sans connaître tous les détails, et vous reprochent directement les échecs perçus.
Prenons un cas fréquent : l’élève, que vous avez aidé pendant des semaines, annonce à ses parents que ses résultats ne s’améliorent toujours pas.
Ils vous accusent : « Vous n’avez pas été assez attentif, vous n’avez pas pris assez de temps pour lui. »
Vous êtes dans un véritable cercle vicieux. Ce qui était au départ une relation d’aide devient un jeu de blâme, où vous êtes constamment celui que l’on critique.
Comment ce triangle de Karpman se forme-t-il dans votre classe ?
Voyons de près comment ce triangle de Karpman se manifeste dans une classe.
Voici quelques études de cas concrètes que vous pourriez reconnaître dans votre quotidien d’enseignant.
Étude de cas n°1 – Le sauveur et l’élève en difficulté
Un élève arrive en classe, démoralisé. Il se sent complètement perdu devant un exercice de mathématiques et vient vous voir, désespéré. Il vous dit : « Je n’y arrive pas, je suis nul, je n’y comprendrai jamais rien. »
Là, naturellement, votre instinct d’enseignant vous pousse à l’aider. Vous vous placez alors en sauveur.
Vous lui réexpliquez patiemment l’exercice, vous lui donnez des astuces, vous lui faites des encouragements.
Vous êtes convaincu que, cette fois-ci, il va y arriver. Après tout, c’est votre rôle d’aider vos élèves, non ? Mais attention, voilà où le piège se referme. Vous venez d’entrer dans le triangle de Karpman.
L’élève, après quelques essais, commence à montrer des signes d’impatience.
Il vous regarde et dit : « Je n’y arrive toujours pas. Vos explications ne m’aident pas du tout. »
Vous ressentez alors une pointe de frustration. L’élève, qui était en position de victime, bascule doucement vers le rôle de persécuteur. Il ne se contente plus d’exprimer sa difficulté, il vous accuse presque de son échec. Il rejette sur vous la responsabilité de sa situation.
De votre côté, vous commencez à vous sentir victime.
Vous avez donné de votre temps, vous avez tout essayé, et malgré cela, l’élève vous reproche de ne pas l’avoir aidé correctement. Vous êtes frustré. À ce moment-là, vous glissez dans un nouveau rôle.
La patience que vous aviez s’épuise et vous devenez à votre tour persécuteur. Vous répondez, irrité : « Tu pourrais au moins essayer de suivre mes conseils avant de dire que ça ne marche pas ! »
L’élève, surpris par votre agacement, se rétracte. Il change de stratégie et cherche à sauver la situation.
Il dit : « Désolé, je vais réessayer, ne vous inquiétez pas. »
Et voilà comment les rôles dans le triangle de Karpman se sont enchaînés en l’espace de quelques minutes : sauveur, victime, persécuteur, sauveur… Vous avez tourné en rond sans même vous en rendre compte.
Étude de cas n°2 – Le devoir non fait et le cercle vicieux
Un autre exemple classique : un élève qui ne rend pas ses devoirs.
Vous l’interpellez : « Pourquoi ton devoir n’est-il pas fait ? »
L’élève répond : « Je n’y arrivais pas, je ne comprenais pas les consignes. »
Là encore, vous vous sentez obligé d’agir. Vous vous dites qu’en tant que professeur, il est de votre responsabilité de l’aider à comprendre. Vous lui expliquez longuement, vous détaillez les consignes, vous passez même un moment avec lui à corriger ses erreurs. Vous prenez une posture de sauveur.
Quelques jours plus tard, la situation se répète : devoir non rendu. Vous demandez des explications. L’élève, cette fois-ci, commence à vous reprocher votre aide. « Vous m’aviez expliqué, mais c’était trop compliqué. »
Voilà qu’il devient persécuteur. Il rejette sur vous l’échec de son devoir, même si vous aviez tout fait pour l’aider.
La frustration monte. Vous vous sentez victime d’une ingratitude. Après tout le temps que vous avez passé à l’aider, cet élève ne fait toujours pas d’effort, et en plus, il vous accuse de ne pas l’avoir bien accompagné.
Cela vous pousse à réagir fermement : « Je ne vais pas tout te mâcher ! Tu dois aussi y mettre du tien. »
Vous voilà maintenant dans le rôle du persécuteur, et l’élève, face à cette réprimande, tente d’apaiser les choses : « D’accord, je vais essayer de faire mieux la prochaine fois », essayant de sauver la relation.
Étude de cas n°3 – La dynamique de groupe et le sauveur collectif
Le triangle de Karpman peut aussi se jouer au niveau collectif. Imaginez une classe entière qui ne comprend pas une leçon.
Les élèves commencent à murmurer entre eux : « On n’y arrivera jamais », « C’est trop difficile », « Ce cours n’a aucun sens. »
Vous ressentez la pression monter. Vous vous placez alors en sauveur collectif. Vous décidez de réexpliquer tout le cours, de reprendre les choses au début, avec l’espoir de clarifier la situation.
Pourtant, quelques élèves commencent à s’impatienter : « Mais on a déjà vu ça, ça ne sert à rien ! »
En un instant, le groupe d’élèves passe du rôle de victime à celui de persécuteur. Ils critiquent votre méthode, remettent en question vos explications, et vous commencez à vous sentir débordé.
Vous vous dites : « Après tout ce que je fais pour eux, ils ne font que se plaindre. » Vous vous sentez maintenant victime de cette situation collective.
Et là, la fatigue vous pousse à basculer dans le rôle du persécuteur. Vous haussez le ton, vous sermonnez la classe : « Si vous écoutiez mieux, vous comprendriez ! »
Les élèves, pris de court, tentent de calmer le jeu : « D’accord, on va essayer de se concentrer. » Ils deviennent à leur tour des sauveurs, tentant de remettre de l’ordre dans la relation.
Ce qu’il faut retenir
Dans tous ces exemples, on voit comment le triangle de Karpman se glisse dans les relations élèves-enseignants. C’est un cercle vicieux : chacun change de rôle, de sauveur à victime, puis de victime à persécuteur. Et ce jeu continue jusqu’à ce que quelqu’un décide de sortir du triangle.
La clé est de reconnaître ces moments avant qu’ils ne dégénèrent. Ne vous laissez pas entraîner dans ce triangle. Dès que vous sentez que vous devenez le sauveur, arrêtez-vous. L’élève doit être responsabilisé. Posez-lui des questions, amenez-le à réfléchir. Par exemple, si un élève se plaint : « Je suis nul, je n’y arriverai jamais », au lieu de tout réexpliquer, demandez-lui : « Qu’est-ce que tu as déjà essayé ? Que pourrais-tu faire de différent la prochaine fois ? »
Sortir du triangle, c’est éviter le piège de vouloir tout résoudre à la place de l’élève. Il ne s’agit pas de l’abandonner, mais de lui montrer que l’effort vient de lui. Vous l’accompagnez sans devenir le « sauveur » de ses difficultés.
Les autres jeux psychologiques qui s’invitent en classe
Le triangle de Karpman n’est qu’un exemple parmi d’autres.
Dans la relation pédagogique, d’autres jeux psychologiques peuvent s’installer sans que vous ne vous en aperceviez.
Le « Ball trap »
Vous connaissez peut-être cet élève qui demande constamment de l’aide, mais qui, face à chaque solution proposée, trouve une excuse pour ne pas la suivre. « Oui, je devrais essayer cette méthode, mais ça ne marchera pas pour moi. » C’est le jeu du « oui, mais ».
Il vous donne l’impression de tourner en rond, car chaque tentative pour l’aider se heurte à une objection, souvent déstabilisante. Ce jeu, bien que frustrant pour vous, permet à l’élève de rester dans sa zone de confort et d’éviter de prendre des risques ou d’affronter sa difficulté réelle.
Le « maître-chien »
Ce jeu est souvent joué par l’enseignant lui-même. Sous couvert d’une noble cause, vous imposez une discipline stricte, pensant que cela servira le bien de l’élève à long terme. « Si tu ne fais pas tes devoirs, pas de sortie cette semaine. » Ou encore, « Tu verras, plus tard tu me remercieras pour cette rigueur. »
Même si vos intentions sont bonnes, ce jeu peut vite dégénérer en abus d’autorité, créant une relation déséquilibrée où l’élève finit par se sentir oppressé plutôt qu’encadré.
Le « racket émotionnel »
Parfois, c’est l’élève qui utilise ce jeu pour détourner votre attention des véritables problèmes. Il s’agit d’inonder la conversation d’émotions intenses : cris, pleurs, crises de rire, tout y passe pour éviter d’affronter la situation réelle.
L’objectif ? Échapper à la confrontation avec le travail ou le problème à résoudre. En tant qu’enseignant, vous vous retrouvez déstabilisé, perdu dans cette vague émotionnelle, et le problème de fond reste non résolu.
Quelles solutions pour éviter de tomber dans le jeu psychologique ?
Mais comment éviter de tomber dans ce piège ? Comment arrêter cette machine infernale avant qu’elle ne vous embarque ?
C’est ici que je vous propose des solutions concrètes, des astuces, et quelques métaphores qui, je l’espère, resteront gravées dans votre esprit.
Ces jeux, bien qu’inconscients, ne sont pas une fatalité.
Une fois que vous les avez compris, vous pouvez réagir différemment et ne plus tomber dans le piège. Voici quelques pistes pour désamorcer ces dynamiques en classe.
Détecter le jeu
La première étape pour sortir d’un jeu psychologique est de le repérer.
Posez-vous des questions simples : « Suis-je en train de chercher à sauver cet élève ? Suis-je frustré parce qu’il n’écoute pas mes conseils ? »
Dès que vous ressentez un épuisement émotionnel ou une frustration récurrente, c’est souvent le signe que vous êtes pris dans un jeu. Faites un pas en arrière pour analyser la situation.
Voici quelques situations concrètes qui peuvent vous alerter.
Exemple 1 – Un élève constamment dépendant
Si un élève revient sans cesse pour vous demander de l’aide sur les mêmes tâches ou les mêmes exercices, c’est un signe.
Vous lui avez déjà expliqué plusieurs fois, mais il ne semble pas progresser. Vous commencez à ressentir de l’épuisement, voire de l’agacement : « Pourquoi n’écoute-t-il pas mes conseils ? » C’est le signe que vous jouez le rôle du sauveur et que l’élève reste dans celui de victime.
Exemple 2 – Frustration et critiques
Un autre indicateur, c’est lorsque vous vous sentez frustré après avoir donné de l’aide, et que l’élève se montre insatisfait.
Vous passez d’un sauveur bienveillant à une victime d’ingratitude. Par exemple, vous consacrez du temps à un élève pour lui expliquer une méthode, et il vous répond : « Ce n’est pas comme ça qu’on me l’a appris, ça ne sert à rien. »
Vous vous sentez pris au piège et commencez à critiquer l’élève, devenant ainsi le persécuteur.
Changer de posture de sauveur à guide
Ne vous placez plus en « sauveur ».
Dans le cas du triangle de Karpman, une solution est d’adopter une posture de guide plutôt que de sauveur. Au lieu de faire à la place de l’élève ou de lui imposer des solutions, amenez-le à réfléchir et à trouver ses propres réponses. Voici deux exemples concrets pour vous amener à changer de posture.
Exemple 1 – Questionner plutôt qu’expliquer
Un élève vous dit : « Je ne comprends pas ce problème de maths. »
Au lieu de réexpliquer tout l’exercice, demandez-lui : « Qu’est-ce que tu as déjà compris ? » ou « Par quelle étape pourrais-tu commencer ? »
Cela l’amène à réfléchir et à chercher la solution par lui-même, plutôt que d’attendre que vous lui donniez toutes les réponses.
Exemple 2 – Encourager l’autonomie
Un élève vous sollicite sans arrêt pour des détails mineurs, comme lui rappeler les consignes ou l’aider à organiser son cahier. Plutôt que de le faire à sa place, vous pouvez dire : « Quelles solutions as-tu déjà envisagées ? » ou « Comment pourrais-tu t’organiser pour mieux t’en souvenir la prochaine fois ? »
En l’incitant à proposer ses propres réponses, vous l’aidez à devenir autonome.
Reformuler pour responsabiliser
Dans le cas du « Ball trap », où l’élève trouve toujours des excuses, utilisez la reformulation pour le ramener à ses responsabilités.
Exemple 1 – L’excuse de la dyslexie
Si un élève dit : « Je ne peux pas y arriver, je suis dyslexique », vous pouvez reformuler de cette manière : « Oui, c’est vrai que la dyslexie rend l’apprentissage plus difficile, mais cela ne t’empêche pas d’essayer. Qu’est-ce que tu as déjà mis en place pour surmonter cette difficulté ? »
Plutôt que de nier sa difficulté, vous la reconnaissez, mais vous lui montrez qu’il a un rôle actif à jouer pour avancer.
Exemple 2 – Le manque de temps
Un élève vous dit : « Je n’ai pas eu le temps de faire mes devoirs parce que j’avais trop de choses à faire à la maison. »
Plutôt que de lui reprocher son manque d’organisation, vous pouvez répondre : « C’est difficile de gérer plusieurs tâches à la fois, mais comment pourrais-tu t’organiser différemment pour réussir à tout faire la prochaine fois ? »
Vous l’aidez à réfléchir à ses priorités et à prendre ses responsabilités, au lieu de le laisser se complaire dans son rôle de victime.
Pratiquer l’écoute active
Accueillir les émotions sans y réagir à chaud : Face à un élève qui joue au « racket émotionnel », ne rentrez pas dans le jeu des émotions démesurées.
Exemple 1 – L’élève en colère
Un élève se met en colère et vous dit : « Vous ne m’aidez jamais, vous n’êtes jamais juste avec moi ! » Plutôt que de répondre sur le moment, de réagir à chaud ou de vous défendre, dites : « Je vois que tu es en colère. Peux-tu m’expliquer ce qui t’a mis dans cet état ? »
Cela permet d’apaiser la situation et de ramener le dialogue à un niveau plus calme, en laissant l’élève exprimer ses émotions sans escalade.
Exemple 2 – L’élève qui se ferme
Parfois, un élève va se renfermer sur lui-même, sans dire un mot. Vous pouvez l’inciter à parler en lui disant : « Je vois que quelque chose te préoccupe. Est-ce que tu veux en parler ? »
Vous n’imposez pas la discussion, mais vous ouvrez un espace où l’élève se sent écouté et compris.
Cela permet souvent de désamorcer un blocage émotionnel et de rétablir le dialogue.
Transformer le jeu en collaboration
Finalement, sortir de ces jeux psychologiques, c’est transformer la relation en une collaboration plutôt qu’en un affrontement. Vous et vos élèves devez être dans le même bateau, avançant dans la même direction, plutôt que de vous battre pour des rôles.
Lorsque vous sentez un jeu s’installer, essayez de rééquilibrer la relation en apportant de la bienveillance et en responsabilisant l’élève.
L’objectif n’est pas de « sauver » l’élève, mais de l’accompagner, de le guider vers des solutions qu’il pourra trouver et appliquer par lui-même. C’est ainsi que la relation devient un partenariat éducatif sain, où chacun progresse à son rythme, sans ego ni lutte de pouvoir.
En adoptant ces stratégies, vous verrez qu’il est possible de sortir du cercle vicieux des jeux psychologiques et de bâtir une classe où la communication est plus fluide, l’apprentissage plus efficace et les relations plus harmonieuses.
La prochaine fois que vous sentez le triangle se dessiner, rappelez-vous : vous n’êtes pas là pour sauver, vous êtes là pour guider. Vos élèves, même les plus perdus, ne cherchent pas un sauveur, mais un phare.
Donc, soyez ce phare.
Sources et références
[1] Stephe n Karpman « Fairy tales & script drama analysis »
[2] TAJ-1990-Acey Choy-The Winners Triangle-R https://fr.scribd.com/doc/52446575/TAJ-1990-Acey-Choy-The-winners-triangle-r
https://www.bpdfamily.com/content/karpman-drama-triangle
https://psychcentral.com/pro/recovery-expert/2016/01/breaking-out-of-the-drama-triangle#3
https://www.altercoop.org/blog/les-jeux-psychologiques
Passionnant et très explicatif ! Merci
Bonjour,
Merci! pour votre commentaire.
Bonne journée
Très clair et bien expliqué, des solutions en fin de vidéo 😉
Bonjour,
Merci pour votre message. Ravis que cette vidéo vous apporte quelque chose.
En vous souhaitant une bonne journée
Bien cordialement
Jean-François