Dernière modification de l’article le 10 mai 2025 par Admin

Imaginez un instant : vos élèves qui écoutent, retiennent, appliquent.

Imaginez leurs regards concentrés, leurs cahiers remplis de notions qu’ils n’oublient plus.

Imaginez-vous avancer dans votre programme sans avoir à rabâcher encore et encore, sans répéter trois, quatre, cinq fois la même chose.

Fini les soupirs, fini les « pourtant je l’avais dit » qui tournent en boucle dans votre tête.

Fini cette impression amère d’enseigner dans le vide.

Vous pensez peut-être que ce genre de situation appartient au pays des licornes ?

Permettez-moi de vous détromper.

La vérité est simple : oui, c’est possible.

Mais, non, cela ne tombera pas du ciel.

Pour obtenir ce résultat, vous devez cesser de vous battre contre un ennemi que vous n’avez jamais vraiment pris au sérieux : l’oubli.

Oui, vous avez bien entendu : l’oubli.

Je sais ce que vous vous dites.

« Moi je veux que mes élèves se souviennent, pas qu’ils oublient ! »

Et c’est justement là que tout se joue.

La mémoire ne se construit pas contre l’oubli, elle se construit avec lui.

Croire que l’oubli est un accident, une faiblesse, un défaut de fabrication du cerveau humain, c’est passer à côté de ce qui fait la vraie force de la mémorisation.

Plus vous essayez d’écraser l’oubli sous votre volonté, plus il se renforce.

Plus vous luttez, plus il gagne du terrain.

Pourquoi ?

Parce que l’oubli n’est pas une erreur.

C’est un mécanisme de survie gravé en nous depuis la nuit des temps.

Repoussez-le, niez-le… et il reviendra au galop. Plus fort. Plus vif. Plus imprévisible.

Difficile à accepter ?

Regardez comment votre cerveau agit face aux souvenirs douloureux.

Quand un événement nous brise – un deuil, une rupture, un accident – notre premier réflexe n’est pas de l’analyser froidement.

Notre instinct est d’oublier, de mettre à distance, d’effacer pour avancer.

Et quand cet oubli naturel échoue, que reste-t-il ?

Des blessures à vif.

Des phobies qui ressurgissent sans prévenir.

En pédagogie, c’est exactement la même loi.

Ignorer l’oubli, c’est construire sur du sable.

Comprendre l’oubli, en revanche…

C’est bâtir une mémoire solide, durable, vivante.

 

Article et texte : Jean-François MICHEL (Auteur « Les 7 profils d’apprentissage » Éditions Eyrolles 2005, 2013 et 2019 et 2024)

Le cerveau a besoin de faire un tri pour ne retenir que ce qui est important.  

Pour Robert N. Kraft, professeur de psychologie cognitive à l’université de Otterbein, « Les recherches sur la mémoire et les écrits journalistiques ont trop mis l’accent sur la mémoire. Les situations dans lesquelles nous concentrons notre attention sur le souvenir sont en réalité très limitées: étudier pour un examen, préparer une présentation, essayer d’apprendre les noms des personnes. Dans la vie de tous les jours, nous ne nous préoccupons pas d’apprendre par cœur les détails de ce que nous faisons. Nous nous concentrons simplement sur ce que nous faisons » [1]

À quelle vitesse oublie-t-on ?

Après seulement 20 minutes de cours, 42 % de ce que l’élève vient d’apprendre s’est déjà envolé.

L’information, à peine enregistrée, commence à s’effriter, morceau par morceau.

Et si personne ne ravive ces connaissances ?

Le lendemain, 66 % du savoir a disparu.

Une semaine plus tard, ce sont 75 % des apprentissages qui se sont évaporés, comme un château de sable emporté par la marée.

Ces chiffres ne viennent pas d’une vague intuition.

Ils viennent d’une étude rigoureuse menée par le célèbre psychologue allemand Hermann Ebbinghaus.

Autrement dit :

L’oubli n’est pas une anomalie.

C’est la règle du jeu.

Croire que l’élève retient de manière continue et linéaire, comme un disque dur qui empile des fichiers, est une erreur fatale.

La mémoire humaine ressemble beaucoup plus à un tamis percé qu’à une bibliothèque bien rangée.

Ce qui n’est pas réactivé… s’efface.

Ce qui n’est pas entretenu… s’oublie.

.

La Courbe de l’oubli

Pourquoi vos élèves oublient-ils si vite ce que vous leur enseignez ?

Ils vous écoutent, ils prennent des notes… et pourtant, le lendemain, le vide s’installe.

Un trou noir. Une mémoire en fuite.

Le psychologue allemand Hermann Ebbinghaus a mis en lumière ce phénomène universel : la courbe de l’oubli.

Un concept aussi implacable qu’invisible… mais qui s’infiltre dans chaque salle de classe.

➡️ Voici ce qui se passe réellement dans la tête de vos élèves :

  • 20 minutes après la fin du cours, 40 % de l’information a déjà disparu.

  • Au bout d’une heure, ils luttent pour retenir seulement 50 %.

  • 9 heures plus tard, il ne leur reste que 30 % de ce que vous leur avez transmis.

  • Le lendemain, ces 30 % deviennent leur maigre bagage : tout le reste s’est évaporé, comme si le cours n’avait jamais eu lieu.

❌ Rien à voir avec leur intelligence ou leur volonté.

C’est ainsi que leur cerveau fonctionne : il trie, il élimine, il conserve uniquement ce qu’il juge prioritaire.

Mais alors… pourquoi certains élèves retiennent-ils tout ?

Pourquoi avez-vous parfois dans votre classe cet élève capable de réciter le contenu avec une aisance déconcertante, quand d’autres semblent avoir tout oublié ?

➡️ La réponse tient en une règle d’or : la mémoire se dompte par la répétition.

Imaginez vos élèves comme des funambules : s’ils traversent le fil une seule fois, la chute est presque assurée.

Mais à force de tentatives, leur corps apprend, s’équilibre, s’adapte.

Leur cerveau fonctionne exactement de la même manière : plus vos élèves revisitent une information, plus elle devient familière, solide, indestructible.

 

 


Une application immédiate

Donc, si vous vous étonnez de voir vos élèves oublier si vite une notion pourtant fraîchement abordée en classe… ne condamnez pas leur « mauvaise mémoire ».

Ils n’en ont pas.

Ils ont simplement un cerveau qui fonctionne exactement comme il est conçu : il trie, il jette, il classe par priorité.

➡️ L’oubli est une mécanique normale. Implacable, mais prévisible.

Il n’existe pas de raccourci magique :

❌ Si le savoir n’est pas réactivé rapidement, il s’échappe.

Il glisse, silencieusement, dans le royaume de l’oubli, là où des milliers de définitions, théorèmes, dates ou règles de grammaire s’entassent, oubliées à jamais.

Alors, comment inverser la tendance et aider vos élèves à graver le savoir durablement ?

➡️ La clé : le plus tôt possible, le savoir doit être mobilisé.

Si vos élèves attendent des jours ou des semaines avant de retravailler ce qu’ils ont vu avec vous, vous pouvez déjà imaginer le résultat :

  • à peine 15 % des notions resteront.

  • leurs notes deviendront des hiéroglyphes incompréhensibles qu’ils tenteront vainement de déchiffrer.

Le savoir, pour devenir solide, doit s’ancrer tout de suite : un exercice, une application, une mise en pratique, une discussion, une explication à un pair.

➡️ La règle est simple : un savoir utilisé est un savoir sauvé.

Pour un adulte en formation continue, cela signifie appliquer le contenu dans la journée ou la semaine.

Pour vos élèves, en revanche, vous détenez une arme redoutable : les révisions espacées.

Petits rappels, quiz, exercices flash, questionnements réguliers…

Chaque retour transforme une simple information volatile en connaissance durable.

Un peu comme si vous aidiez vos élèves à renforcer les fondations d’une maison qu’ils sont en train de construire.

 

Des révisions régulières

➡️ Les révisions régulières restent la meilleure stratégie pour ancrer durablement les connaissances dans la mémoire de vos élèves.

Chaque exercice, chaque question, chaque retour sur une notion agit comme un rappel puissant qui empêche le savoir de glisser dans l’oubli.

Mais pour être vraiment efficace, ce rappel doit intervenir très vite après le cours : dans les heures, voire les minutes qui suivent.

C’est à ce moment que la mémoire est la plus fragile et que le renforcement est le plus simple.

 Ensuite, vous pouvez espacer progressivement les rappels tout au long de l’année scolaire : quelques jours, quelques semaines, quelques mois.

C’est la magie des révisions espacées : plus le savoir est réactivé à distance, plus il s’ancre en profondeur.

❌ La vraie difficulté n’est pas dans la méthode…

Elle se cache dans la motivation de vos élèves.

À peine les nouveaux cours arrivent-ils que les anciennes notions deviennent des souvenirs lointains, souvent laissés de côté par manque d’habitude ou de repères.

Votre mission : instaurer avec eux une culture de la réactivation.

Un automatisme, une routine, une stratégie.


✏️ Conclusion : l’oubli joue un rôle bien plus grand qu’on ne le croit dans le processus d’apprentissage.

Face à la faiblesse naturelle de la mémoire à court terme, le piège serait de vouloir tout retenir, chaque détail, chaque subtilité…

C’est souvent la tentation des élèves « perfectionnistes ».

Mais la clé de la réussite se trouve ailleurs :

➡️ aider vos élèves à identifier l’essentiel.

➡️ les accompagner pour prioriser, hiérarchiser, sélectionner ce qui compte vraiment.

 

L’outil des cartes mémoire ou flashcards de Sebastian LEITNER

Sebastian Leitner [2], journaliste autrichien féru de pédagogie et d’apprentissage des langues, a eu un regard lucide sur les révisions scolaires : la méthode traditionnelle du « tout sur une liste » ressemble trop à une route sans fin.

Imaginez vos élèves face à une colonne interminable de mots à mémoriser.

Dès le premier regard, leur motivation s’effondre.

La simple idée de devoir relire des dizaines de mots, dont la moitié est déjà maîtrisée, suffit à les décourager.

Résultat :

❌ Ils passent un temps précieux à réviser ce qu’ils savent déjà.

❌ Leur cerveau, sursollicité inutilement, s’épuise et zappe les notions vraiment fragiles.

❌ La frustration s’installe… et avec elle le décrochage.

Leitner a compris qu’il fallait renverser la table : transformer la répétition fastidieuse en un jeu d’apprentissage ciblé.

C’est ainsi qu’est née la méthode des cartes mémoires (ou flashcards).

➡️ Prenez l’exemple de l’apprentissage de l’anglais :

Plutôt que d’écrire « à la chaîne » tous les mots à apprendre, chaque mot s’inscrit sur une carte, avec sa traduction au verso.

Puis vient la magie : la boîte Leitner, un outil aussi ingénieux qu’efficace.

Imaginez une boîte divisée en 5 compartiments de tailles croissantes :

Le premier : minuscule, pour les mots nouveaux.

Le cinquième : spacieux, réservé aux mots définitivement maîtrisés.

Voici comment fonctionne la méthode Leitner : une mécanique simple mais redoutablement efficace

1️⃣ L’élève place toutes ses cartes dans le premier compartiment, le plus petit de la boîte.

C’est le compartiment des « débutants », là où toutes les nouvelles notions font leur entrée.

2️⃣ Il tire une carte et tente de répondre à la question.

Cela peut être une définition, une date, une formule ou un mot de vocabulaire à traduire.

 Si la réponse est correcte, la carte monte d’un niveau et passe dans le compartiment suivant, un peu plus éloigné.

➡️ C’est la récompense : le savoir validé avance.

3️⃣ Si l’élève se trompe, la sanction est immédiate mais bienveillante : la carte retourne au fond du premier compartiment.

Un signal clair : “tu n’es pas encore prêt, on te reverra très vite.”

4️⃣ Lorsque le premier compartiment est vidé, l’élève peut y glisser de nouvelles cartes, correspondant à d’autres notions à apprendre.

La boîte s’adapte : toujours en mouvement, toujours calibrée sur les besoins réels de l’élève.

5️⃣ À chaque compartiment supérieur, le principe reste le même :



 Bonne réponse = progression vers le prochain niveau.

Mauvaise réponse = retour immédiat au premier compartiment.

Le génie du système est là : les cartes difficiles deviennent des “clientes régulières” : elles reviennent souvent, jusqu’à être définitivement assimilées.

Comme un professeur patient qui répète inlassablement la leçon au même élève, mais seulement pour ce dont il a besoin.

Les cartes faciles, elles, se font de plus en plus rares.

Leur passage s’espace naturellement dans le temps : une sorte de “permission de repos” accordée par la mémoire.

✏️ En résumé :

Les notions fragiles sont révisées avec insistance.

Les connaissances acquises sont simplement entretenues.

C’est comme si la boîte Leitner jouait le rôle d’un coach invisible : exigeant avec les faiblesses, bienveillant avec les acquis.

 

 

➡️  Une fois les compartiments de la boîte Leitner remplis, la révision devient un jeu d’équilibre permanent.

Parfois, vos élèves auront à revisiter le 1er, le 2e, voire le 3e compartiment dans la même séance.

C’est la force du système : s’adapter à la progression de chacun.

Si le nombre de mots ou de notions à apprendre est modeste, vous pouvez simplifier :

  • Réduire la taille des compartiments.

  • Passer de 5 à 3 compartiments seulement.

    C’est à vous d’adapter la méthode à la réalité de vos élèves.

➡️  Et pourquoi ne pas introduire une version nomade ?

Recommandez à vos élèves d’investir dans une petite boîte refermable, facile à glisser dans un sac.

À la moindre pause — dans la cour, en attendant le bus, le tram ou le métro — quelques minutes suffisent pour tirer une carte et réviser.

C’est du temps caché, transformé en temps utile.

Un élève qui révise 2 minutes par-ci par-là multiplie ses révisions sans même s’en rendre compte.

➡️ Pour ceux qui aiment la simplicité, des enveloppes peuvent remplacer la boîte :

  • Une enveloppe pour le compartiment 1.

  • Une autre pour le compartiment 2, etc.

    L’important n’est pas le contenant, mais la régularité du système.

    La seule vraie règle : que cela convienne à l’élève et lui donne envie de poursuivre.

➡️ Aujourd’hui, il existe aussi des alternatives numériques.

Des applications, certaines gratuites, d’autres plus complètes et payantes, reproduisent le système Leitner de façon interactive.

Idéal pour les élèves qui ont toujours leur téléphone sous la main.


✏️ Un petit calcul qui fait réfléchir :

Imaginez un élève qui révise 10 cartes à l’aller et 10 cartes au retour de l’école.

20 cartes révisées chaque jour.

140 cartes dans une semaine (même en comptant les révisions du week-end).

Résultat :

Une progression régulière, sans stress ni surcharge.

Une méthode bien plus agréable et efficace que de tout réviser la veille d’un contrôle ou d’un examen.


➡️ Et les cartes mémoires ne sont pas réservées aux langues étrangères !

Elles peuvent devenir des alliées universelles :

  • Vocabulaire économique

  • Formules de mathématiques

  • Dates historiques

  • Règles de grammaire

  • Définitions scientifiques…

Bref, presque tout peut se transformer en flashcard.

À la place de la traduction, on inscrit une explication, une formule, une définition.

C’est un système adaptable, personnalisable, et surtout extrêmement efficace pour renforcer la mémorisation de vos élèves.

Vous leur offrez ainsi une clé d’apprentissage autonome qu’ils pourront utiliser bien au-delà de votre classe.

 

Qu’est-ce que les « Flachcards » ou les cartes mémoire ?

(Une méthode inventé par Sebastian Leitner)

 

 

Article et texte : Jean-François MICHEL (Auteur « Les 7 profils d’apprentissage » Éditions Eyrolles 2005, 2013, 2019 et 2024)

[1] Dr. Robert N. Kraft Why We Forget The benefits of not remembering Psychology today juin 2017 https://www.psychologytoday.com/us/blog/defining-memories/201706/why-we-forget

Voir son ouvrage : Dr. Robert N. Kraft Memory Perceived: Recalling the Holocaust (Psychological Dimensions to War and Peace) 2002 Edition Praeger

[2] Sebastian Leitner  «So lernt man lernen: Der Weg zum Erfolg » Edition  Herder 2000 (3ème edition).

6 Commentaires

  1. Bonjour,
    Merci pour ce partage très intéressant.
    Quelles sont les noms des applications dont vous parlez ?

    Merci d’avance…
    Bonne journée

    • Bonjour,
      Merci pour votre message.
      Je vais vous en citer 3 les plus populaires :

      1. Anki

      Le plus connu mondialement, surtout dans les milieux étudiants, médicaux, et linguistiques.

      Open source, très personnalisable.

      Basé sur le système de répétition espacée (SRS).

      Disponible sur Windows, Mac, Linux, Android, iOS.

      Public : étudiants, professionnels exigeants, autodidactes.
      2. Quizlet

      Très populaire chez les enseignants et élèves.

      Interface intuitive et collaborative.

      Permet d’intégrer images, audio, et propose des modes « jeu ».

      Accessible en ligne et via application mobile.

      Public : collèges, lycées, universités, grand public.

      3. Brainscape

      Basé également sur la répétition espacée.

      Interface épurée.

      Suivi statistique des progrès.

      Version web et mobile.

      Public : étudiants, professionnels en formation continue.

      En vous souhaitant une bonne journée

      Jean-François

  2. Bonjour !
    J’aimerais bien que vous me donner quelques explications pour apprendre à faire le résumé.
    Cordialement

    • Bonjour,
      Merci pour votre message.
      Malheureusement en quelques lignes ce n’est pas possible. Vous avez plein de ressources dans le site.
      Bien cordialement

  3. Bonjour,
    J’ai découvert ce système d’apprentissage avec mes enfants à l’école primaire il y a quelques années. S’était pour apprendre le vocabulaire d’allemand. Mais pourquoi pas avec des apprenants de langues totalement étrangères à la langue latine ! Comme l’arabe, la langue afghane, chinoise etc .
    Merci pour vos agréables vidéos explicatives chargées d’humour

    • Bonjour,
      Merci pour votre message.
      Oui, le système fonctionne aussi pour des langues non latines.
      En vous souhaitant une bonne journée.
      Bien cordialement
      Jean-François

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*


Politique de confidentialité - Qui sommes-nous ? - Apprendre à apprendre.com - Copyright 2022-