Dernière modification de l’article le 19 septembre 2017 par Admin

GF_2011_06_01_alternanceLa formation en alternance est une vraie chance pour acquérir expérience professionnelle, et parfaire un CV notamment dans un contexte de marché du travail bien difficile pour les jeunes. Pourtant la formation en alternance n’est pas un cursus facile. Quels sont les défis et les obstacles de la formation en alternance ? Quelles sont les erreurs à éviter ?

Inscrire un jeune dans une formation en alternance, c’est le placer devant trois dilemmes.

Premier dilemme : entre logique d’enseignement et de production

Tout d’abord, c’est lui demander d’expérimenter successivement des logiques différentes selon qu’il est au centre de formation ou en milieu professionnel. En milieu scolaire, le jeune est confronté -encore bien souvent- à une logique dans laquelle l’enseignant, qui par définition détient le savoir, expose ses savoirs lors des cours . Ces connaissances sont organisées selon un déroulement logique, défini dans les manuels ou selon les recommandations des programmes scolaires ; elles vont devoir être mémorisées par l’élève puis mobilisées pour réaliser des exercices d’application ou des travaux pratiques.

Ces savoirs, de nature théorique ou méthodologique sont présentés aux élèves par discipline, chacune succédant à une autre selon un ordre hebdomadaire établi. Aussi les élèves ne voient-ils pas toujours les liens pouvant exister entre ces diverses informations. Selon un enseignant, « l’alternance a un principe terrible ! Il faut faire deux choses à la fois.

Deux axes semblent divergents : les cours devraient appuyer le travail en entreprise et vice-versa, mais ce n’est pas le cas.
Participer à une production relève d’une autre logique ; dans l’entreprise, c’est la production qui prime, avec son lot d’indéterminations liées à la fluctuation des commandes, aux aléas techniques ou sociaux. Le jeune devra apprendre en fonction des travaux qui se présentent à lui, même s’il rencontre parfois des décalages avec les apprentissages scolaires organisés suivant les normes et programmes académiques.

Réaliser une tâche, une mission dans le cadre d’un travail en milieu professionnel, c’est bien évidemment mobiliser des savoirs pratiques liés directement à l’aspect technique de la tâche. Mais, bien souvent, pour réaliser le travail demandé, le salarié ou l’apprenant va devoir mobiliser des savoirs issus de disciplines diverses et de l’expérience acquise dans des contextes professionnels ou non. Par exemple, dans le cadre d’une production industrielle, un jeune va devoir régler et faire fonctionner la machine, mais peut-être interpréter une notice écrite en anglais, rédiger un compte rendu de production, tenir compte de règles de sécurité, calculer les quantités de matière nécessaires, s’organiser pour respecter des délais de fabrication et expliquer à ses collègues les problèmes rencontrés. Bref, la complexité de l’acte de travail oblige l’apprenant non seulement à mobiliser des savoirs divers, mais aussi à les articuler pour rendre l’ensemble efficace.


L’indétermination et la complexité des activités professionnelles placent l’apprenant dans une situation radicalement différente de celle de l’école. Certains jeunes vivent sans grandes difficultés ce passage rapide du système et de la logique scolaire au traitement de la complexité ; pour d’autres, cette succession de logiques différentes est déstabilisante.

 Deuxième dilemme : entre logique d’étude et de projet professionnel

La formation en alternance propose aux apprenants concernés (apprentis, scolaires préparant les Baccalauréats professionnels, jeunes sous contrat de professionnalisation) d’atteindre deux objectifs à la fois : obtenir un diplôme ou un Certificat de qualification d’une part, et se faire reconnaître comme un bon professionnel d’autre part, en vue d’une embauche à l’issue du contrat ou du stage pratique. Ceci demande donc de s’investir pareillement dans l’une et l’autre logique : une logique d’étude et une logique de projet professionnel. Pour certains, ce double investissement est difficile.

Soit le jeune s’investit réellement dans son travail, dans la vie de l’entreprise et il ne lui reste que peu d’énergie pour réaliser les travaux scolaires que le C.F.A. lui a confiés pour cette période, soit la logique d’étude prime, et le jeune vit le passage en entreprise sans espérer une embauche ; si les salariés s’en rendent compte, ils se désinvestissent dans leur effort de formation et d’accompagnement.

Troisième dilemme : des stratégies d’apprentissage différentes

On peut constater que les situations scolaires et professionnelles abordent les apprentissages selon des logiques différentes. Celles-ci s’accordent plus ou moins avec les stratégies individuelles d’apprentissage des apprenants.
Dans le milieu scolaire, l’enseignant attend de l’élève qu’il comprenne ce qui lui est enseigné ; l’utilité de ce savoir n’étant pas évidente pour l’apprenant, voire nulle ; or pour certains il ne peut y avoir d’investissement dans le travail scolaire que si ce qui lui est enseigné est perçu à plus ou moins long terme comme utile pour lui.

D’autres n’ont pas ce rapport utilitaire au savoir, et donc ne se posent pas la question du « à quoi ça sert ? », ceux-là rencontrent moins de difficultés à évoluer dans le système scolaire. Ceci étant, cette approche par « la compréhension » nécessite de la part de l’élève une bonne mémorisation des connaissances, la capacité à les mobiliser à bon escient dans des contextes divers, et exige une certaine propension à l’abstraction.

Dans la situation de travail, il faut certes faire preuve d’intelligence, mais il s’agit souvent d’une intelligence pratique, basée sur l’action ; il s’agit de réussir individuellement ou/et collectivement un travail.

L’apprentissage va se faire par la compréhension des mécanismes qui ont permis la réussite ou ont conduit à l’échec (qu’il s’agit d’ailleurs de dépasser) ; ceci passe par l’analyse de la tâche réalisée, ou de façon plus large, de la situation de travail. Ce passage par « le concret » est nécessaire à de nombreuses personnes pour lesquelles l’abstraction qui est demandée à l’école représente un frein -et parfois un blocage- à tout apprentissage.

Gérard Malglaive dès 1986 attirait notre attention ; – Un système sous tension présente les trois dilemmes auxquels est confronté tout apprenant en formation alternée. Et elles ne sont pas anodines. Pour certains, ces tensions ne posent pas de problème majeur ; pour d’autres, et tout particulièrement pour les publics de première qualification, un accompagnement est indispensable pour que ces tensions soient surmontées et que la formation aboutisse à un succès.

 Texte et article : Paul BOULET

Paul BOULET est expert de la formation en alternance, Paul BOULET s’est impliqué tout particulièrement dans le tutorat et la formation en alternance auprès de nombreuses professions, de Collectivités territoriales, de l’Etat et de centres de formation professionnelle.

 

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